Interview mordante avec Lætitia Dosch au cinéma Le Majestic Bastille

Après la projection de son film « Le procès du chien » , rencontre avec Lætitia Dosch
au cinéma Majestic Bastille (c) Paola Ravanello

Julien Bancilhon/ Aujourd’hui, c’est la deuxième fois que l’on se retrouve au cinéma Majestic Bastille. Et c’est la première fois que l’on prend le temps de regarder un film tous ensemble, de partir manger et ensuite de se retrouver en présence de la réalisatrice et actrice Lætitia Dosch pour une interview. Ce matin, nous avons passé un moment extraordinaire ensemble, il y avait beaucoup de joie dans la salle et beaucoup de réactions. Et Lætitia est arrivée dans l’obscurité, juste au générique, pour nous saluer. C’était un très beau moment. Laetitia, est-ce que tu veux dire un mot de présentation ?
Lætitia Dosch/ Alors, vous ne pouvez pas savoir comme je regrette. Hier soir, j’ai bu, j’ai fait la fête, et c’était chez moi. Après, il a fallu que je range et je me suis couchée à 3 heures du matin. Et du coup, ce matin, je ne me suis pas réveillée, alors que je voulais venir assister à la projection pour vous entendre rigoler, pour entendre toutes les réactions que vous alliez avoir pendant le film. Mais je suis très contente d’être là, sachez-le. Je suis ouverte à toutes les questions.


Raphaël
/ J’ai vu le film. C’était à la fois dur et drôle, dans la dérision et dans le dramatique. II
y a des choses qui m’ont marqué. C’est tiré d’un fait réel ?
LD/ En fait, je fais aussi des pièces de théâtre, et j’en ai fait une où j’étais toute seule sur scène avec un cheval. Et une spectatrice est venue voir mon spectacle et m’a dit qu’elle connaissait quelqu’un qui était avocate dans une affaire concernant un chien. Le chien avait mordu une femme au visage, et évidemment, elle a porté plainte contre le maître, parce que le chien est considéré comme une chose. Et pendant ce procès, il y a eu des manifestations. Ça a vraiment divisé la société, à tel point que la police de cet endroit a fait euthanasier le chien en douce dans la nuit, alors qu’il y avait un appel en cours. Cette histoire est allée jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. Cette histoire, je l’ai trouvée sensationnelle. Donc je suis partie de cette histoire en me disant : « On sait bien qu’un chien, ce n’est pas une chose. » On ne sait pas exactement comment on le nomme, mais ce n’est pas une chose. On pourrait prouver qu’un chien n’est pas une chose, donc peut-être qu’un juge un peu fou dirait : « Si ce n’est pas une chose, ça veut dire que c’est peut-être quelqu’un, donc il faut faire le procès pour savoir si ce chien est responsable de ses actes ou pas. »


Marvin/ À la fin du film, est-ce que les personnages comprennent pourquoi le chien Cosmos ne mord que les femmes et pas les hommes ?
LD/ Les gens disent que ce chien a un problème avec les femmes parce qu’il n’a mordu que des femmes. Il ne mord que des femmes qui viennent le caresser alors qu’il mange dans sa cuisine. C’est quand même bien précis. On sait tous qu’on ne peut pas caresser les chiens quand ils mangent dans la cuisine, non ? Alors, en fait, ça vient d’une histoire qui m’est arrivée avec le cheval. Quand je travaillais avec le cheval, parfois, quand j’étais un peu fragile, le cheval s’amusait. Il me mordait les mollets, il me faisait la misère, il m’attaquait, en fait. Et la dresseuse me disait : « Le cheval a peur parce que tu n’es pas assez assurée, tu n’es pas assez dominante. » Et elle me dit : « Ça arrive beaucoup aux femmes. Les femmes ont plus de problèmes à être dominantes que les hommes. Je vois ça dans mon métier, et je ne sais pas pourquoi. Du coup, elles se font toujours attaquer par les chevaux. » Donc l’histoire du film vient d’une histoire avec un cheval.
M/ Donc le chien se comportait comme un cheval manqué.
LD/ Exactement. [Elle rit.]
M/ Pourquoi est-ce que tu parles de sexe ? Moi, ça m’a choqué.
LD/ Je parle même beaucoup de sexe, non ? Alors, voilà ce que j’en pense. Quand tu es actrice, en France, tu dois bien te comporter. C’est ennuyeux. Le sexe, ça peut aussi faire partie de la vie. Et moi, j’ai toujours l’impression qu’on me l’interdit, alors du coup, je le dis.
M/ Ça dépend des gens. Il y en a que ça choque et d’autres que ça ne choque pas. Moi, ça me choque.
LD/ Oui, mais tu as vu qu’on fait aussi des blagues avec ça.
M/ Oui.


Bérivan
/ C’est quoi ton métier ?
LD/ J’ai plusieurs métiers. En fait, mon métier, c’est que j’aime bien raconter des histoires. Parfois, je suis actrice et je raconte les histoires en passant. Elles sont écrites et après, tu deviens quelqu’un. Tu imagines avec la costumière comment la personne s’habille, et tu imagines ce qui se passe à l’intérieur d’elle. Et puis parfois, j’écris mes histoires pour le théâtre, pour le cinéma, et c’est la première fois que je fais ça au cinéma. Donc, mon métier, c’est de raconter des histoires. Et après, ce n’est pas exactement le même métier. Par exemple, au cinéma, quand on fait un film, on est une centaine de personnes sur un plateau. Dans la salle, il y a la scripte du film, Angèle. Peut-être qu’elle vous racontera un peu ce qu’est son travail, tout à l’heure. Et après, on filme. Il faut apprendre comment écrire, comment filmer les plans, les couleurs, comment diriger les acteurs. Ensuite, on va au montage. Il faut choisir, avec la monteuse, comment on va mettre les scènes ensemble pour
que ça fasse le film. Après, on va travailler le son. Il faut travailler avec les musiciens, choisir les musiques. C’est un boulot où il y a plein d’étapes différentes, alors que le théâtre, c’est tout en même temps.
B/ Est-ce que tu es mariée ?
LD/ Je suis célibataire. Je suis hétérosexuelle et célibataire.
B/ Est-ce que tu as des enfants ?
LD/ Je n’ai pas d’enfants.
B/ Pourquoi ?
LD/ Je n’en ai pas fait, parce que ma vie n’a pas pris ce chemin-là. Peut-être que j’ai raté le
coche.
B/ Elle est où, ta maison ?
LD/ Je loue un appartement, un atelier d’artiste dans le 20 e . J’habite dans un endroit où j’ai
plein de voisins, et on mange beaucoup les uns avec les autres. Et j’ai un voisin qui joue dans le film. Celui qui a les cheveux longs et qui gagne au Scrabble, c’est mon voisin. Il est physicien, il travaille sur des molécules. Il y a plein de voisins qui m’ont inspirée pour le film.
B/ Qui fait le repas chez toi ?
LD/ C’est moi qui fais le repas.
B/ Toute seule ?
LD/ Oui, mais parfois, je vais manger chez mes voisins. Hier soir, j’ai fait un curry de légumes.
B/ Qu’est-ce que tu portes comme chaussures ?
LD/ Ce sont des vieilles chaussures d’équitation.

Julien Bancilhon et Lætitia Dosch (c) Paola Ravanello


Pedja/ Dans le film, vous avez dit des gros mots.
LD/ J’ai toujours l’impression qu’on demande aux actrices d’être très jolies et polies, donc ça me plaisait d’avoir une femme qui dit des gros mots. Et ça t’a plu quand même ?
P/ Oui, ce film m’a plu.
Adah/ Pourquoi est-ce que ça fait du bien de dire des gros mots ?
LD/ Je ne sais pas pour toi, mais on m’a éduquée en me disant : « Ce n’est pas bien de dire ça, il faut dire ça. Fais-ci, fais-ça. » Et faire des choses interdites parfois, moi, ça me fait du bien, si elles ne font de mal à personne.

« Donc le chien se comportait comme un cheval manqué » (Marvin)


Alexandre/ Je n’ai pas tout à fait tout capté, pour tout vous dire. Vous prenez le chien pour un humain, et je trouve ça complètement fantastique. D’où vous est venu le titre Le Procès du chien ?
LD/ Moi, je trouve que les idées viennent à des moments marrants, quand on ne s’y attend pas. Et on a beau courir après les idées, parce qu’on a besoin d’écrire, parce qu’on a besoin d’avoir un salaire aussi, eh bien, non, ça ne vient pas. Il faut attendre que ça vienne tout seul. Donc cette idée est venue alors que je faisais un câlin à cette dame qui me racontait l’histoire vraie d’un procès de chien. J’étais en train de lui faire un câlin parce qu’elle était émue par ce qu’elle me racontait. Et en même temps, dans ma tête, je me disais : « Je suis émue, mais ce serait quand même trop rigolo si on pouvait faire vraiment Le Procès du chien. Et la justice, elle serait en panique, elle serait forcée de juger le chien. Comment ils se débrouilleraient avec ça ? » Donc c’est venu en faisant un câlin à quelqu’un. Et du coup, je me suis dit : « On va garder un titre simple. Qu’est-ce que je vais mettre comme titre ? Je ne vais pas appeler ça Wouf !. Je vais garder le titre de ce que c’est, le procès du chien. »

Un chien sous jugement par Tristan, dessinateur du Papotin


Fousseni/ Ça t’a pris combien de temps pour faire le film ?
LD/ Ça m’a pris quatre ans. C’était vraiment très long et très fatigant, mais c’était trop chouette. Pendant un an, après le tournage, je n’ai pratiquement pas dormi.
F/ Tu n’as pas fondu des mains ?
LD/ Non, j’ai fondu de la dent, de la tête, j’ai fondu de tout le cerveau.
F/ Tu as quel âge ?
LD/ J’ai 45 ans.
F/ Ça va, t’es pas encore mamie. [Rires]
LD/ Non, t’as raison. Et je peux te dire que j’en ai en réserve.


Ethan/ Dans le film, tu jouais le rôle de l’avocate qui défendait le chien pour qu’il vive. C’est un peu triste et inattendu que le chien se fasse euthanasier à la fin. Tout le monde était un peu déçu qu’ils aient perdu le procès du chien. Mais il y a un truc qui m’a un peu plu : c’est qu’avec l’argent qu’elle a reçu, la dame qui a été mordue par le chien a décidé de changer de vie plutôt que de se faire refaire le visage.
LD/ On peut dire que ce n’est pas un film très optimiste pour le chien, mais c’est un film plutôt optimiste pour les femmes, parce qu’il y a deux femmes qui trouvent leur voie. Une avocate qui trouve sa voie en devenant experte en droit des animaux et en justice environnementale, et une autre qui, au lieu de se faire refaire le visage, va prendre l’argent et va faire autre chose avec. On l’a vue au début du film chez le chirurgien esthétique, et finalement, elle va garder sa cicatrice et elle va travailler avec un chien pour s’occuper des moutons.
E/ Sa cicatrice, ça représente sa métamorphose.
LD
/ Oui, c’est sa métamorphose. Et en plus, elle travaille avec un chien. Ce n’est quand même pas évident, avec ce qu’elle a vécu. Dans le film, les chiens et les femmes ont beaucoup de similitudes. Il y a aussi le fait que la femme qui se fait mordre soit femme de ménage. En fait, les gens, dans le film, sont vachement victimes de préjugés, je trouve.
E/ Moi, je dirais plus qu’ils sont victimes du sexisme. Dans notre société, même si les choses ont changé, on remarque qu’il y a toujours du sexisme contre les femmes.
LD/ Oui, mais tu vois, il y a aussi Darius, le maître du chien, qui est handicapé. Il a des problèmes aux yeux et il louche.
E/ Oui, j’ai vu.
LD/ S’il n’avait pas été handicapé, on n’aurait pas eu le droit d’euthanasier le chien. Parce que, comme il est handicapé, il est décidé qu’il ne peut pas surveiller son chien de façon correcte et donc que son chien est dangereux.
E/ Ma dernière question est en rapport avec la dame qui voulait des signatures pour l’environnement et qui voulait que la centrale nucléaire soit fermée, par rapport au problème environnemental. Quel est ton avis sur ça ?
LD/ Je voulais beaucoup parler de l’écologie. L’écologie, c’est notre rapport à toutes les autres espèces autres que nous. Et pour moi, à travers le chien, on parle de notre rapport à toutes les autres espèces. Par exemple, le chien, c’est un mammifère. Vous savez que nous sommes des animaux, dans la catégorie animale. Donc le chien et nous, on vient de la même catégorie. On a un ancêtre commun qui est un rongeur, une sorte de rat bizarre, qui est un des premiers mammifères qui est sorti de l’eau. Et avant ça, on a des ancêtres communs avec les poissons et on a même des ancêtres communs avec les végétaux, des espèces d’éponges qui étaient les premiers êtres vivants sous les mers.
E/ Les premiers êtres vivants sont apparus bien avant les premières éponges. Et les éponges sont là depuis bien plus de 400 millions d’années.
LD/ 5 milliards, non ?
E/ Non, parce que la Terre a environ 4,5 milliards d’années.
LD/ Je suis une brelle, désolée.

Ethan emprunte des détours avec Lætitia Dosch sur les origines du monde (c) Paola Ravanello

« Sa cicatrice, ça représente sa métamorphose » (Ethan)


Régina/ Est-ce que vous avez peur des chiens ?
LD/ Je n’ai pas du tout peur des chiens, mais je sais qu’ils peuvent faire peur. Quand ils font peur, il faut juste leur parler lentement, doucement, s’éloigner un peu, faire sentir la main à l’intérieur s’ils ne sont pas déjà trop énervés. Je sais comment gérer quand, parfois, ils sont un petit peu nerveux.
R/ Comment avez-vous fait pour faire le film et jouer dedans en même temps ?
LD/ J’étais bien entourée et j’avais plein de gens autour de moi. Par exemple, avant de tourner le film, on prépare, c’est-à-dire que l’on va choisir les décors, travailler les costumes, le découpage. Et j’avais toute une bande autour de moi. Il y avait une fille qui s’appelait Elsa Amiel, qui m’a beaucoup aidée pendant le tournage et pendant toute cette période. Elle m’a aidée à faire des choix, à faire le casting pour bien regarder les petits rôles. Après, pendant le tournage, elle a été derrière la caméra. Il y avait Angèle, la scripte. Il y avait le chef opérateur, c’est celui qui filme. Quand on filme, on doit choisir plein de trucs comme, par exemple, comment on va changer les couleurs, où on éclaire, quel cadre on fait, qui on met dans le cadre ou pas. Donc toute cette équipe a été très importante avant et pendant le tournage.


Akli/ Tu sais, je n’ai pas apprécié ce film parce que le chien est décédé.
LD/ Mais est-ce que tu l’as bien aimé avant le décès du chien ?
A/ Oui, j’ai bien aimé le regarder. Moi, ce que j’aime, c’est regarder des pitbulls qui attaquent des gens. [Rires]. Tu sais, les pitbulls peuvent être sauvages.
LD/ Ah oui, bien sûr.
A/ Quand ils ne sont pas bien éduqués.
LD/ Exact.
A/ Tu sais, les Dobermann sont des chiens qui montent la garde.
LD/ Oui, bien sûr.
A/ C’est joli, les Dobermann.
LD/ Très, très beau.
Julien B/ Je voulais juste préciser, Akli, qu’en ce moment, tu passes ta vie à dessiner des chiens qui courent après des gens.
A/ Oui.
JB/ Il paraît même qu’à la maison, on doit te surveiller un peu pour éviter que tu ne passes toute ta nuit à dessiner des chiens qui courent après des gens. Nous sommes allés à Saint-Etienne récemment, nous avons fait une œuvre collective sur un grand panneau publicitaire artistique qui s’appelle Le MUR, avec Ella et Pitr, et tu as dessiné un chien qui court après des gens. Voilà. Donc, Le Procès du chien, c’est vraiment un film pour toi.
A/ Tu sais, la dernière fois, j’ai dessiné des loups.
LD/ C’est beau les loups.
A/ Les chiens, ce sont les descendants des loups.
LD/ Oui, c’est vrai. J’en parle un petit peu à la fin du film.
A/ Si on voit un coyote, j’ai entendu dire qu’il ne faut pas s’enfuir.


Gaspard
/ Qu’avez-vous fait comme autre film, à part Le Procès du chien ?
LD/ Comme réalisatrice, c’est mon premier film. Après, j’ai joué dans d’autres films en tant qu’actrice.
G/ Où ça ? Au cinéma ou au théâtre ?
LD/ Au cinéma, il y a par exemple un film comique qui s’appelle Irréductible, qui a été réalisé par Jérôme Commandeur, et je joue dedans.
G/ Jérôme Commandeur, ça me dit quelque chose. Il a joué dans Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu.
LD/ Exact. Et puis après, j’ai joué dans des films d’auteur. Il y en a un qui est super bien, qui s’appelle Jeune Femme, et qui est un peu dur. Alors, il faut aimer les films durs. Après, j’ai aussi doublé pas mal de dessins animés, à cause de ma voix pourrie.
G/ Ah oui, vous avez vraiment une voix… Une voix un peu microbe. [Rires]


Raphaël
/ Où as-tu trouvé ce chien et dans quelles conditions était-il avant que tu le trouves ?
LD/ J’ai fait un casting partout en France pour trouver le chien, mais il fallait faire un casting de chiens qui travaillent déjà pour le cinéma ou le théâtre, qui sachent jouer. Je ne trouvais pas, et un jour, je vais à la radio et je dis au micro : « J’ai fait des castings de chiens toute la journée, je suis crevée. » Les dresseurs m’ont entendue et m’ont écrit un mail. Ces chiens habitaient avec leur maître, et parmi ces chiens, il y avait Kodi, qui est un chien que Juliette et Manu, les dresseurs, ont recueilli. C’est un chiot qui était dans les rues de Narbonne et qui a grandi tout seul. C’est un chien de gouttière, un peu comme dans La Belle et le Clochard. Les dresseurs l’ont adopté et l’ont formé à faire plein de trucs. Et maintenant, ce chien a mal aux hanches parce qu’il est âgé, mais il peut sauter à 3 mètres de haut. Je pense que ce chien avait ce truc très émouvant, et aussi, il pouvait être violent et il pouvait avoir plein d’émotions, parce qu’il avait vécu dans la rue aussi. Et c’est un bâtard, il a 12 espèces en lui. On a essayé qu’il soit heureux sur le tournage, donc on a fait en sorte qu’il ne travaille pas trop. À la fin, il était juste crevé, il s’endormait tout le temps, parce que c’était trop fatiguant de travailler avec les humains.

Cosmos en pleine audience / Le Procès du Chien (c) Bande à Part Films – Ateliers de production Rts Radio Télévision Suisse France Cinéma 2024

[Questions à Angèle, la scripte du film]
Bérivan
/ C’est quoi ton métier, Angèle ?
Angèle/ Je suis scripte dans le cinéma, et j’ai travaillé avec Lætitia sur ce film. Scripte, c’est la personne qui s’occupe de la continuité d’un film. Je ne sais pas si vous savez, mais on tourne un film complètement dans le désordre. Du coup, mon métier, quand on tourne une scène et en amont du film, c’est de faire attention à ce qu’on n’oublie rien dans la scène, qu’on ait tous les plans pour le montage, que Lætitia ait toute la matière possible pour monter son film comme elle veut. Par exemple, si, dans une scène, l’acteur arrive en courant, il faut que, dans la continuité de la scène, il soit essoufflé.


Jérôme/ C’est quoi l’histoire avec le petit garçon ?
Lætitia Dosch/ En fait, c’est le voisin d’Avril, l’avocate. Elle entend que, derrière les murs, il y a des événements un peu violents qui se passent. On ne sait pas exactement quoi. Et elle aime beaucoup ce petit garçon. Elle compte pour lui, il compte pour elle, ils sont amis. Même s’ils n’ont pas du tout le même âge, ils sont copains, quoi.
J/ Qu’est-ce qu’il a subi comme violences ?
LD/ Ça, je n’en sais rien. Je fais tout pour que ce ne soit pas tout à fait clair. Peut-être des trucs graves, peut-être des trucs pas graves, mais, de toute façon, il faut que ça change.


Jean S/ Tout compte fait, j’ai adoré ce film. J’ai aussi adoré le chien que je trouve drôle. Mais ce qui est plus dramatique, c’est le petit garçon, parce que son père le tabasse tout le temps pour quelque chose, soit à cause de ses mauvaises notes, soit parce qu’il a fait des bêtises à l’école.
LD/ Ou peut-être qu’il n’a pas fait de bêtises et que tout est bon pour embêter cet enfant. C’est ça qui est troublant. En fait, j’ai écrit le film pendant le confinement, et j’entendais des cris venant de l’autre côté d’un des murs de mon atelier, j’entendais des
choses qui ne se passaient pas bien. Dans ce genre de situation, on veut intervenir mais on ne sait pas comment. Ce qui est dingue, c’est que, quand on est dehors, on ne sait pas exactement ce qui se passe dedans, et effectivement, je ne sais pas exactement ce qu’il se passait. Le cas de cet enfant n’est pas réglé dans le film, c’est-à-dire qu’il n’est pas sauvé, qu’il n’est pas emmené en foyer. Au départ, il l’était, puis il n’y avait pas la place dans le film, donc j’ai dû enlever ça. Il y avait une phrase qui expliquait ce qu’il devenait et j’ai dû l’enlever. Mais, il y a aussi une super relation avec Avril. Et puis, je crois qu’il va s’en sortir,
cet enfant. Ce n’est pas bien, ce qu’il lui arrive, mais il va s’en sortir parce qu’il a une force particulière.

Au cinéma Le Majestic Bastille (c) Paola Ravenello


Loïsia/ Est-ce que vous pleurez souvent ?
LD/ Je suis très émotive. Les choses me font très plaisir ou me rendent très triste ou très en colère. J’ai beaucoup d’émotions, donc oui, ça m’arrive de pleurer. Après, je ne sais pas pourquoi, avec l’âge, même quand on est triste, on pleure moins.
L/ On pleure souvent.
LD/ Oui, on pleure souvent, quand même, c’est vrai. Donc oui, j’ai plein d’émotions, et je trouve que c’est une chance d’avoir plein d’émotions. Il faut juste trouver quoi en faire et ne pas se laisser déborder. Quand on a des émotions, c’est bien de les écrire, de les mettre sur papier pour les comprendre.
L/ Est-ce que tu t’es griffée?
LD/ Non, je ne me suis pas griffée. Je me suis coupée avec un couteau hier, parce que j’ai mal visé en coupant la peau de la courge.
L/ Est-ce que tu t’es fait mordre par un chien ?
LD/ Oui, une fois en casting pour un rôle. Je devais jouer que j’étais énervée contre le directeur de casting, et son chien a eu peur et m’a mordu les fesses, et j’ai eu des marques sur les fesses. [Rires]
L/ Ah, c’est pas bien ! Là, ça devient insupportable.
LD/ Désolée, mais c’est la vérité.
L/ Franchement, c’est désagréable.
LD/ Je suis désolée, excuse-moi. Je ne voulais pas… Mais c’est la vraie histoire. J’aurais dû
être plus pudique.

Loïsia (c) Paola Ravello


David S/ Quel est votre rapport avec le fait que l’on doit tuer ou ne pas tuer un animal ou un être humain ?
LD/ Je pense que si, tout d’un coup, on disait que les animaux ne sont plus des choses, ça voudrait dire qu’on ne pourrait plus les manger, parce qu’on ne peut pas se manger entre nous.
DS/ En Chine, on mange les chiens.
LD/ En Chine, on mange les chiens, et chez nous, on mange d’autres animaux que les chiens.
DS/ Comme les cuisses de grenouilles.
LD/ On mange les animaux, donc on les tue. Mais c’est quand même bon, la viande, non ? C’est compliqué, c’est tout un travail, quand même. Alors je suis carnivore, comme un lynx ou comme un loup, comme un renard qui mange d’autres animaux. Voilà ce que je pense.

Lætitia Dosch incarne la juge de Cosmos dans son film Le Procès du Chien (c) Bande à Part Films – Ateliers de production Rts Radio Télévision Suisse France Cinéma 2024